Aux marches de notre douillet empire, les nuages s’amoncèlent, l’orage gronde, la tempête, déjà, fait rage. Les rivières débordent et leurs embâcles nous effraient. Nous croyons mourir sous le flux monstrueux de boues et de roches, charriant mille vilénies, mille dangers incontrôlables. Pourtant, au lieu d’attendre l’inéluctable brisure du barrage avec son flot de violences incontrôlées, nous pouvons pratiquer une brèche dans les digues de nos peurs et de nos égoïsmes. Nous verrions alors couler sur nous les limons riches, les bois flottés fredonnant des chants merveilleux, les effluves enivrantes de mondes perdus et serions prêts à revivre grâce à notre petit courage et notre générosité simple. Nous y gagnerons des amis, des frères et des sœurs, des joies et des bonheurs qui cloueront le bec aux cassandres et couperont l’herbe sous les pieds de ceux qui se repaissent de notre anxiété et de notre complaisante faiblesse. Accueillons ce qui nous diffère, ceux qui nous déplacent et par là, nous régénèrent.
Eric Dufour